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Apnée du sommeil : une pathologie silencieuse aux conséquences majeures sur la santé

le 11/07/2025

Apnée du sommeil : une pathologie silencieuse aux conséquences majeures sur la santé

En France, la Haute Autorité de Santé estime qu'environ 4 % des hommes et 2 % des femmes sont concernés par l'apnée du sommeil, avec une prévalence qui augmente avec l'âge et qui est plus élevée chez les hommes. Chez les enfants, cette pathologie concerne près de 5 % d'entre eux. Malgré ces chiffres significatifs, cette pathologie reste largement sous-diagnostiquée, privant de nombreux patients d'une prise en charge adaptée qui pourrait considérablement améliorer leur qualité de vie et réduire les risques pour leur santé. Décryptage d’une pathologie encore sous-diagnostiquée, avec le Docteur Hélène Giraud, spécialiste des pathologies du sommeil à la clinique de Saint-Étienne, à l’Hôpital privé de la Loire, titulaire d'un diplôme universitaire de pathologie du sommeil de l'adulte et de l'enfant.

Une pathologie plus complexe qu'il n'y paraît

« Le diagnostic d'apnée du sommeil concerne plus globalement les troubles respiratoires obstructifs du sommeil » explique le Dr Giraud. L'apnée du sommeil n'est qu'une petite partie de ces diagnostics.

Cette pathologie englobe en réalité plusieurs types d'événements respiratoires : les apnées proprement dites (arrêts complets du débit respiratoire), mais aussi les hypopnées, caractérisées par « une limitation du débit respiratoire avec une diminution de la quantité d'air d'au moins 30 % », précise la spécialiste. S'ajoutent également les simples limitations de débit respiratoire, détectables uniquement lors d'examens spécialisés.

Ces troubles ont deux conséquences majeures : 

  • Les réveils nocturnes causant un sommeil fractionné.
  • Une baisse de l'oxygénation du corps suite à l’arrêt ou à la diminution du débit respiratoire, obligeant ainsi le cœur à fournir davantage d'efforts pour compenser ce manque d'oxygène.

Des profils de patients plus variés qu'on ne le pense

Si l'image du patient âgé et en surpoids reste majoritaire, la réalité est bien plus nuancée. « On considère de moins en moins l’existence d’un profil type prédisposé aux troubles respiratoires du sommeil », souligne le Dr Giraud.

Certes, l'âge et le surpoids demeurent des facteurs de risque importants, mais d'autres éléments entrent en jeu : « Des jeunes patients peuvent être concernés, notamment par les problématiques d'obstruction nasale ou de respiration buccale, explique le docteur, la morphologie maxillo-faciale peut être prédisposante à ces troubles respiratoires du sommeil. » Pour les femmes, par exemple, la période qui précède la ménopause est particulièrement à risque. 

Par ailleurs, les plus jeunes enfants sont les plus fréquemment touchés pour des raisons physiologiques. En effet, la partie respiration est plus étroite et il existe des facteurs aggravants comme l'obstruction par les amygdales ou les végétations, et les problèmes de morphologie maxillo-faciale liés pour eux aussi à une ventilation buccale.

Des symptômes différents selon l'âge

Les manifestations de ces troubles respiratoires varient considérablement entre enfants et adultes, ce qui contribue au sous-diagnostic de cette pathologie.

Chez l'enfant les troubles vont se caractériser par une hyperactivité avec des répercussions sur l’attention, la concentration et pourront avoir un impact qui peut être conséquent sur leurs apprentissages et le développement neurocognitif. Les symptômes nocturnes peuvent aussi inclure un sommeil fractionné, la persistance d'énurésie (pipi au lit), les ronflements, la respiration buccale, les sueurs nocturnes et un sommeil agité avec parfois des grincements de dents.

A contrario, l’adulte va présenter des symptômes liés à la fatigue en raison de la mauvaise qualité de sommeil : « Il peut s’agir de sueurs, de ronflements ou encore d’avoir envie d’uriner la nuit, ce qui est justement la conséquence de ce réveil », explique le Dr Giraud. En journée, la fatigue prédomine, mais de façon subjective : « On peut avoir des patients qui souffrent d'apnées très sévères, mais qui ont peu de symptômes ou l’inverse », note le Dr Giraud. Cette fatigue peut s'accompagner de répercussions sur la qualité de vie : « Certains patients ont moins envie de faire des choses, se découragent plus rapidement ou ont des symptômes qui miment des symptômes dépressifs ».

Des conséquences graves sur la santé à long terme

Les troubles respiratoires du sommeil non traités exposent à de multiples risques pour la santé. « Le premier risque est cardiovasculaire », indique le Dr Giraud. En effet, elle indique que les patients touchés par les apnées du sommeil présentent davantage de risques « d'insuffisance cardiaque, d'infarctus, d'AVC, de troubles du rythme cardiaque ou encore d'hypertension artérielle ».

Les répercussions métaboliques sont également importantes : « Les patients sont à risque de surpoids et sont de ce fait aussi plus à risques de diabète et d'hépatopathie non alcoolique » explique la docteure. S'ajoutent à cela des conséquences immunitaires avec plus de risques sur le plan immunitaire, plus de sujets aux infections et potentiellement des risques carcinologiques, en raison du déficit immunitaire.

Au niveau sociétal, ces troubles impactent directement : le travail, l'absentéisme, la somnolence et aggravent ainsi par ricochet le risque accidentogène. Ce qui constitue de véritables enjeux de santé publique.

Le diagnostic : des examens non invasifs et remboursés

Pour diagnostiquer ces troubles du sommeil, deux examens principaux sont disponibles : 

  • La polygraphie ventilatoire, un examen succinct et peu précis qui analyse le débit respiratoire et la saturation en oxygène.
  • La polysomnographie, réalisée en centre de sommeil ou à domicile, il analyse la respiration du patient, l'oxygène dans le sang et l'électroencéphalogramme pour visualiser le sommeil.

Le Dr Giraud insiste sur l'accessibilité de ces examens : « Les explorations de sommeil sont des examens non invasifs et remboursés par la Sécurité sociale ». 

Pour les enfants, une approche multidisciplinaire est essentielle : « afin de permettre la diminution de la survenue d'apnée à l'âge adulte », explique le Dr Giraud. Cette prise en charge implique de consulter un ORL, un orthodontiste ou un odontologue maxillo-facial pour analyser la situation et mettre en place une rééducation à la ventilation nasale ou alors de passer par le traitement des allergies si besoin.

Les traitements : des solutions adaptées à chaque patient

En fonction de la sévérité des troubles, plusieurs traitements peuvent être proposés :

  • L'orthèse d'avancée mandibulaire : proposée pour les apnées modérées, il s'agit d'un dispositif sur mesure constitué d’une gouttière du haut et d’une gouttière du bas. Elles sont articulées pour que la mâchoire du bas soit avancée, améliorant ainsi la perméabilité des voies aériennes.
  • La pression positive continue : plus connue sous le nom de « machine », ce traitement de référence pour les apnées sévères consiste en un appareillage qui dispense de l'air sous pression, via un masque, essentiellement nasal, permettant de maintenir les voies aériennes ouvertes.
  • Les solutions chirurgicales : dans certains cas spécifiques, des « chirurgies maxillo-faciales » peuvent être envisagées pour modifier la morphologie des voies aériennes.
  • La stimulation du nerf hypoglosse : ce dispositif récemment remboursé par la Sécurité sociale est réservé à certains patients après une évaluation spécifique.

Face à une pathologie souvent silencieuse, mais aux conséquences potentiellement graves, la sensibilisation est essentielle pour endiguer le manque de diagnostic.